La sédentarité, un fléau à tous les âges

Dans une vidéo que vous avez peut-être croisée au détour du net, un artiste américain, Prince EA, déplore sous forme de plaidoyer l’immobilisme des pratiques pédagogiques dans un monde qui lui, change à toute allure. La partie qui m’a personnellement le plus marquée est le déroulé des évolutions montrées sur un paper-board sous forme de photos : évolutions technologiques de la voiture ou du téléphone, de leur invention à nos jours avec pour finir, telle une marche sur laquelle on trébuche, deux photos de classe du XIXème et XXIème siècles rigoureusement identiques. On y voit, dans les deux cas, des élèves assis, alignés face à un tableau et un enseignant debout.

Prince EA accuse Mr Education…

La sédentarité est un mal du XXème siècle et nos enfants scolarisés n’y ont pas échappé. J’avais moi-même constaté chez mes enfants un net recul du tonus de leur dos (position de la « tortue » à table : dos arrondi, menton en avant) à partir de 6, 7 ans. Mon constatation a été appuyé par un sage-femme qui remonte la chaîne du relâchement du périnée jusqu’à l’enfance : « Dès le plus jeune âge, on les force à rester assis plusieurs heures par jour. Ils perdent du tonus abdominal et cela ne fait que se dégrader tout au long de la vie. Par conséquent, le dos supporte plus qu’il ne le devrait. Lorsque je demande à mes patientes d’arrêter de se baisser pour vider le lave-vaisselle, elles se plaignent que cela fait mal aux cuisses ! On vit mou ! »

J’ai évidemment relevé les contorsions de mes élèves tout au long de la journée : il y en a qui se perchent sur les genoux, pendant que d’autres se balancent ou disparaissent sous le bureau à force de s’avachir…Du bébé qu’on sangle dans un transat, à l’adulte qui se jette sur son canapé dès qu’il en a l’occasion, on pourrait croire que l’usage de notre corps est devenu superflu…

Réfléchir, ça ne se passe que dans la tête ?

J’en suis venue à chercher des moyens de remettre un peu de dynamisme dans tout ça. Premier élément, varier les modalités pédagogiques : travailler en groupe, éliminer les chaises pour une activité, se déplacer…tout cela me semblait bel et bon mais d’une part, je provoque toujours des réactions d’exaspération (« Maîtresse, on peut d’asseoir maintenant ! ») liées au refus de fournir un effort physique et d’autre part, je voulais que les élèves soient partie prenante de cette réflexion : est-ce qu’on ne réfléchit qu’avec la tête ? Pour les adultes sédentaires au travail, les prescriptions de gym au bureau ou des méthodes (comme la méthode « pomodoro », qui préconise une pause active de 5 minutes entre des plages de travail fixes) ne manquent pas. Existait-il quelque chose de semblable pour les enfants ?

La brain gym, réintroduire le mouvement dans l’apprentissage

Mes recherches m’ont menées à une discipline, la kinésiologie ou physiologie du mouvement. Cette discipline appliquée aux apprentissages a été développée par Paul et Gail Dennison sous l’appellation de Brain Gym. Ils ont mis au point vingt-six exercices qui permettent de stimuler rapidement les trois dimensions de notre corps et de notre cerveau : la latéralité droite-gauche, le centrage et la focalisation avant-arrière en faisant le pari que le retour à l’ancrage physique permettrait d’améliorer la disponibilité cognitive aux apprentissages. Ces mouvements sont faciles à mémoriser et à réaliser. Ils ne nécessitent aucun matériel particulier si ce n’est une bouteille d’eau car, notre cerveau, composé à 80% d’eau, a besoin de ce carburant pour faire fonctionner ses cellules. Or, à un enfant qui bloque sur un exercice, on pense rarement à lui proposer d’aller boire ! Et pourtant…

Ces exercices favorisent les compétences cognitives mais aussi la pensée symbolique (maîtrise du codage des mots et des images) ou l’autorégulation (autonomie, interaction sociale…).

Le succès auprès des élèves a été immédiat : j’utilise surtout l’ECAP, une série de quatre activités qui amorcent les apprentissages, et j’ai eu le plaisir de constater que certains l’utilisent entre des exercices pour se recentrer !

La brain-gym, c’est possible à la maison ?

La brain-gym est un moyen parmi d’autres pour remettre de l’équilibre dans des situations où le répertoire moteur a souffert de lacunes ou s’est construit différemment pendant la petite enfance. C’est le cas, notamment, des enfants Haut-Potentiel. Ces exercices pourront canaliser une confusion parfois envahissante et permettre une approche physique des processus mentaux. Sur le temps de devoirs, des micro pauses de brain-gym pourront apaiser la nervosité ou l’angoisse face à l’ampleur de la tâche ou la difficulté. Je suis assez convaincue que réintroduire du mouvement dans l’acte d’apprendre peut être bénéfique à tout enfant car, dans un mode de vie où l’activité physique paraît secondaire, c’est une bouffée d’air frais qui permet de prendre en compte la fatigabilité et les limites de notre concentration : on n’est bon à rien si on ne se ressource pas !

Pour aller plus loin:

Un ouvrage: Brain gym, le mouvement clé de l’apprentissage, Paul et Gail Dennison

Un site: https://www.braingym.fr/

À propos de l’auteur

Enseignante passionnée par les processus d'apprentissage et la méthodologie, je partage avec vous le fruit de mes recherches.
Pour qu'apprendre soit toujours un plaisir !

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