Dans Vice Versa, le film de Pixar, Joie, Tristesse, Colère, Peur et Dégoût pilotent les comportements et les émotions ressenties par la petite Riley. De la même manière, les enfants sont traversés par de nombreuses émotions dans le cadre de leurs apprentissages. Ils peuvent éprouver du stress face à un exercice difficile, de la joie quand ils réussissent une évaluation, mais aussi de la colère quand ils se disputent avec un camarade. Toutes ces émotions ont une incidence sur le travail scolaire. Quels sont les impacts des émotions sur l’apprentissage ? Les émotions sont-elles un frein ou à l’inverse permettent-elles de favoriser l’apprentissage et la réussite scolaire ?
Les émotions sont nécessaires au développement
La fonction première d’une émotion est de constituer un signal d’alerte qui prépare l’individu à agir en cohérence avec son ressenti (fuir, attaquer ou ne plus bouger). Les émotions constituent donc de précieuses sources d’information qui ont permis l’adaptation et la survie de l’espèce humaine. Contrairement aux humeurs, les émotions ne durent pas longtemps et sont déclenchées par un événement ou une situation, comme la perspective d’une poésie à réciter.
Leurs manifestations physiologiques et corporelles (rougeurs, sueurs, agitation, pleurs, rires…) donnent également des indications à notre entourage sur notre état émotionnel. Ces derniers peuvent alors réagir de manière appropriée en rassurant, en protégeant ou en écartant le danger.
Les émotions ont une influence sur le fonctionnement du cerveau (mémoire, attention, langage, raisonnement, prise de décision). Jean Piaget, célèbre psychologue du développement, considérait que l’affect et la motivation étaient des facteurs interdépendants et indispensables au développement intellectuel de l’enfant.
Nous avons tous des émotions différentes
Les émotions sont subjectives et personnelles, nous ne réagissons pas tous de façon identique aux mêmes événements. Certains sont angoissés à l’idée de prendre la parole en public alors que d’autres y trouvent du plaisir. Selon la même logique, certains enfants éprouvent du stress face à un problème de mathématiques, alors que d’autres sont stimulés et motivés par ce défi à relever. Ce qui peut paraître sans importance à un adulte peut revêtir une importance capitale pour un enfant.
Apprendre est une situation déstabilisante
Entrer dans les apprentissages nécessite de faire des efforts, de répondre à des attentes et de s’inscrire dans une notion d’évaluation potentiellement génératrice de stress. Quand l’enfant apprend, il fait des essais amenant à des erreurs et à des réussites. Tout ce mécanisme d’apprentissage est source de déstabilisation et provoque de nombreuses émotions. L’apprenant navigue sans cesse entre des émotions, positives et négatives, qui ont des impacts sur l’apprentissage.
L’enfant doit avoir suffisamment confiance en ses capacités d’apprentissage pour se mettre en situation d’échec quand il apprend. Il doit également avoir confiance dans son entourage. Il a besoin d’être rassuré sur le fait que ses parents ou enseignants gardent une bonne image de lui, même en cas d’échec.
Dans ces situations exigeantes et complexes, les encouragements et la bienveillance permettent de stabiliser des émotions positives qui permettent de maintenir l’enfant dans de bonnes conditions d’apprentissage.
Impacts des émotions sur l’apprentissage : différentes catégories à prendre en compte
En contexte d’apprentissage, les émotions sont présentes à tous les niveaux. Avoir conscience de ces différents impacts des émotions sur l’apprentissage permet d’améliorer l’accompagnement des enfants vers l’acquisition de nouvelles compétences.
- Les émotions d’accomplissement : ces émotions sont à la fois liées à l’activité d’apprentissage en tant que telle (plaisir, intérêt, ennui…) et aux résultats (échec ou réussite). Il a été démontré que les enfants éprouvent plus de plaisir dans les tâches de compréhension profonde que dans les stratégies superficielles comme apprendre une leçon par cœur.
- Les émotions épistémiques : appelées également émotions de connaissance, elles engagent l’enfant dans les apprentissages. La surprise, la curiosité ou l’admiration activent l’envie d’apprendre.
- Les émotions sociales : les relations que les enfants ont avec leurs parents et leurs enseignants ont une incidence sur la qualité de l’apprentissage. L’enfant apprend mieux, s’il a face à lui quelqu’un de bienveillant et d’empathique plutôt qu’une personne qui manifeste du mépris ou suscite de la peur. L’ambiance avec les autres enfants compte aussi. Les moqueries des camarades ou les commentaires désagréables peuvent diminuer son estime de soi et sa confiance en lui, des éléments indispensables pour s’engager dans les apprentissages.
- Les contenus pédagogiques : les sujets et thèmes des exercices proposés, lectures, problèmes de mathématiques ou encore exposés suscitent des émotions (humour, peur, curiosité) qui ont un impact sur les apprentissages. Les contenus pédagogiques peuvent motiver les enfants ou à l’inverse les ennuyer ou les distraire.
Les émotions qui permettent de favoriser l’apprentissage
Les encouragements renforcent l’envie d’apprendre
Les émotions positives favorisent la mémorisation, car elles activent le système de récompense. Les encouragements et félicitations contribuent au renforcement positif en alimentant le circuit de récompense. Il est conseillé de valoriser les progrès réalisés, même les plus minimes, plutôt que focaliser sur ce qui n’est pas réussi. Cela donnera à l’enfant confiance en lui et le mettra dans de bonnes dispositions pour bien apprendre.
La motivation favorise l’engagement dans les apprentissages
Trouver des sujets qui intéressent les enfants facilite l’apprentissage. Dans l’expérience de Piaget sur l’évaluation des longueurs, il a été observé que les enfants ont de meilleures performances lorsque les jetons sont remplacés par des bonbons.
Pour ne pas démotiver un enfant, il faut s’adapter à ses capacités et lui fixer des objectifs atteignables. Il ne s’agit pas de mettre votre enfant en échec en lui demandant d’apprendre une leçon par cœur en une seule fois. Donner des objectifs justes et atteignables permet de conserver la motivation en positionnant l’enfant dans un situation de réussite valorisante et agréable.
Les émotions négatives peuvent être un accélérateur d’apprentissages
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les émotions négatives peuvent être, dans une certaine mesure, des alliées de l’apprentissage. L’être humain n’apprécie pas de ressentir des émotions désagréables comme l’anxiété ou la honte. Il fera donc en sorte de les éviter.
En travaillant un peu plus une poésie ou une leçon, l’enfant pourra diminuer son stress ou une émotion désagréable liée à une mauvaise note.
Verbaliser les émotions pour mieux réussir à l’école
Il a été démontré que les enfants ayant des compétences émotionnelles réussissent mieux à l’école. Elles recouvrent les capacités à identifier ses propres émotions ainsi que celles des autres, d’en comprendre les causes et les conséquences.
Les compétences émotionnelles permettent à l’enfant de mieux s’adapter socialement, de prédire les comportements de leur entourage et de réguler leurs propres émotions. Verbaliser ses émotions, expliquer pourquoi on est en colère, faire des hypothèses sur les réactions des uns et des autres permet d’améliorer les compétences émotionnelles des enfants et leur réussite scolaire.
Les émotions qui freinent les apprentissages
Le stress empêche le cerveau d’apprendre
Tout le monde en a fait l’expérience, quand on est stressé, on n’arrive plus à penser. Le stress nous empêche de raisonner et d’être attentifs à notre environnement. C’est la même chose pour nos enfants. En situation de stress, leur cortex préfrontal dédié à la concentration et à l’organisation cesse de fonctionner.
Il est difficile, voire impossible, d’apprendre dans des conditions de stress. Or, les situations d’apprentissage et d’évaluation inhérentes au milieu scolaire sont de nature à générer du stress, d’autant plus si la relation à l’apprenant est de mauvaise qualité. Il est donc important d’être attentif à toute manifestation de stress chez l’enfant pour trouver les moyens de le diminuer.
Trop de plaisir nuit à la concentration
Les émotions positives peuvent également constituer des freins à l’acquisition de connaissances. La recherche a montré que les émotions trop plaisantes conduisent les élèves à produire plus d’erreurs, notamment lors d’une dictée. Ceci s’explique par le fait que les enfants sont distraits par le contenu agréable comme une histoire drôle et oublient de se concentrer sur la tâche en cours. Ils n’ont plus assez de ressources attentionnelles pour l’exercice demandé.
À la fois accélérateurs et freins, les impacts des émotions sur l’apprentissage ne sont pas neutres. Le dernier rapport PISA 2015 affirme la nécessité de créer un contexte émotionnel favorable à l’acquisition de nouvelles connaissances dans les écoles. Les programmes de l’Éducation nationale de 2015 incluent l’enseignement des émotions dès la petite section de maternelle. C’est dans un environnement bienveillant, qui prend en compte les émotions et les laisse s’exprimer, que les enfants donneront le meilleur d’eux-mêmes pour réussir leur scolarité.
Vous voulez explorer d’autres facteurs favorisant la réussite scolaire ? Ces articles vous permettront d’en savoir davantage pour aider votre enfant à bien apprendre : Comment retrouver le désir d’apprendre ?, Faire des erreurs pour mieux apprendre ? ou encore Aider son ado à développer sa concentration.
Merci à Barbara pour sa contribution
Sources :
Résultat du PISA 2015 (Volume III) : Le bien-être des élèves
Programmes scolaires, Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports
Cuisinier, F. (2017). Émotions et apprentissages scolaires : quelles pistes pour la formation des enseignants ? Recherche & formation, Volume: 81
Houdé, O. (2018). Que faire des émotions à l’école ? Cerveau et psycho, n°97.
Piaget, J. (1954). The construction of reality in the child. (M. Cook, Trans.). Basic Books.