L’éducation et l’apprentissage sont des phénomènes complexes qu’il faudrait aborder avec humilité. Pourtant, comme ce sont deux domaines fondateurs et qui nous concernent tous, nous avons tendance à chercher des raccourcis de compréhension. Apprenez sans limites. Cela sonne comme un mantra fumeux porteur de fausses promesses. Pourtant, derrière ce titre provocateur, se cache un ouvrage académique et documenté, basé sur les dernières recherches en neurosciences. Son auteure, la professeure Jo Boaler, ne nous propose pas de recettes. Elle nous présente un manifeste, sous forme de 6 principes et nous explique comment optimiser son cerveau.

Admettre que le cerveau est en perpétuel changement

La première, et peut-être la plus importante affirmation de Jo Boaler est la plasticité du cerveau. Ce n’est pourtant pas une découverte récente. En effet, on sait que le cerveau se transforme depuis les années 1970. Ce fut un véritable bouleversement car les scientifiques étaient alors persuadés que « l’intelligence » était une donnée fixe, déterminée à la naissance ou figée à l’âge adulte. Selon cette théorie, certains individus pouvaient accomplir des prouesses intellectuelles et d’autres en seraient incapables car ils étaient limités.

À retenir : la neuroplasticité n’est pas un mythe ! Chaque fois que nous apprenons quelque chose, notre cerveau se transforme.

Pourtant, la découverte de la plasticité du cerveau a mis du temps à être approfondie puis diffusée. Voilà pourquoi aujourd’hui, malgré les avancées scientifiques, il est courant d’entendre dire : « Je ne suis pas doué pour les maths » ou « Je n’y arriverai jamais ». Or, ce type de pensée est hautement nuisible car elle sous-entend que cet état de fait ne changera jamais. Cette croyance contredit totalement la science ! Jo Boaler rapporte de nombreux témoignages de personnes qu’on avait qualifiées de limitées ou encore dotées de peu de capacités pour un domaine donné, et qui ont fini par exploser les scores.

optimiser son cerveau à tout âge
Les capacités du cerveau ne se figent pas à l’âge adulte, comme l’ont longtemps pensé les chercheurs.

Ici, l’auteure nous engage non seulement à changer notre croyance mais aussi notre état d’esprit. Oui, notre cerveau est en perpétuel changement et nous pouvons apprendre ce que nous souhaitons parce que notre cerveau en a les compétences. Cette affirmation rejoint la mentalité de croissance, qui fera l’objet d’un autre article.

Je voudrais ici régler tout de suite la question qui vous est peut-être venue à l’esprit (en tous cas, moi, j’y ai pensé !) : « Si ce qu’elle dit est vrai, c’est que nous pouvons tous être des génies ? ». Ce n’est pas exactement ce que veut démontrer Jo Boaler. Elle ne nie pas que nous naissons tous avec des capacités différentes. Par contre, ce qu’elle affirme, c’est que, si nous le décidons, nous pouvons apprendre ce que nous souhaitons.

Comment optimiser notre cerveau ? En ayant d’abord la certitude qu’il peut apprendre n’importe quoi. Peu importe le temps que cela mettra. Cela demandera des efforts, parfois beaucoup, mais c’est possible.

Selon elle, nous nous pouvons plus nous cacher derrière un prétendu manque de talent. Cet appel à un revirement à 180° de nos mentalités peut nous permettre d’optimiser notre cerveau.

Considérer les erreurs comme une aubaine pour le développement de notre cerveau

Quel professeur n’a jamais constaté que dans sa classe, malgré ses propos rassurants, beaucoup d’élèves avaient peur de se tromper ? L’adulte a beau dire « Vous êtes ici pour apprendre, c’est normal de faire des erreurs ! », les enfants semblent avoir intériorisé le fait que faire des erreurs, c’était un problème qu’il fallait à tout prix éviter. En effet, c’est bien plus agréable de voir un joli tampon souriant sur son cahier que de sentir une pointe d’impatience dans l’attitude de la maîtresse quand elle doit venir expliquer la même chose pour la troisième fois.

apprendre de ses erreurs pour optimiser son cerveau
Les erreurs sont le meilleur moyen d’apprendre !

Or, les élèves qui font des erreurs progressent davantage que ceux qui n’ont font pas. Pourquoi ? Parce que le cerveau doit être stimulé pour créer des connexions nouvelles, puis les renforcer. « Cela se produit lorsqu’on se trouve à la limite de notre compréhension, qu’on commet erreur après erreur dans des circonstances difficiles, qu’on les corrige aussitôt pour en faire d’autres- bref, lorsqu’on se dépasse constamment à l’aide d’exercices ardus. » nous affirme Jo Boaler.

Comment optimiser son cerveau ? Là encore, la question de l’état d’esprit est cruciale. Faire des erreurs puis s’apitoyer sur son sort ou se dire qu’on y arrivera jamais ne sera pas constructif.

Au contraire, considérer l’erreur comme un moyen de comprendre ce qui est juste, recommencer et avoir la certitude de réussir, voilà qui peut être efficace.

Le point central, c’est d’accepter qu’on va faire des erreurs et que ce sera peut-être décourageant. La mentalité de croissance nous tend la main en nous rappelant que, même si c’est difficile, c’est possible. Et nous voilà sorti du « fossé de l’apprentissage » imaginé par James Nottingham.

Le fossé de l’apprentissage

Changer nos croyances pour changer, littéralement, notre cerveau

Ce chapitre m’a particulièrement étonnée et stimulée parce qu’on y apprend que nos croyances peuvent littéralement changer notre corps et notre cerveau. On avait vu que l’effet Pygmalion pouvait tellement influencer les croyances des élèves sur leurs capacités qu’ils voyaient leurs performances décupler. Ici, ce serait comme un effet Pygmalion appliqué à soi-même ! Je ne résiste pas à vous livrer une des expériences relatée par Jo Boaler.

Des employés de ménages ont été divisés en deux groupes. Les chercheurs ont indiqué à un groupe que leur travail correspondait à un mode de vie actif selon les recommandations du Service de santé publique. L’autre groupe n’a pas reçu cette information. Les individus n’ont rien changé à leur mode de vie , mais stupeur ! Quatre semaines plus tard, « le groupe qui pensait que leur travail était sain montrait, comparé au second groupe, une diminution de la masse corporelle, de la tension artérielle, de la masse corporelle, du ratio taille/hanche, et de l’IMC1 ! ».

Ce que nous pensons influe sur la réalité, même s’il s’agit de notre corps ! De la même façon, ce que nous pensons de nos capacité d’apprentissage modifie notre cerveau.

Cela soulève la question très complexe de la confiance en soi. Si nous abordons une difficulté en pensant que nous allons y arriver, nous bénéficierons d’une activité accrue de notre cerveau pour élaborer une solution créative. Être sûr.e d’être capable d’accomplir quelque chose va décupler nos chances d’y arriver.

Comment optimiser son cerveau : apprendre de manière multidimensionnelle

Changer de mentalité n’est pas toujours suffisant pour savoir comment optimiser son cerveau. Il faut également disposer de nouvelles façons d’aborder les apprentissages. Ainsi, si on veut permettre aux élèves de développer une mentalité de croissance, il faut présenter les connaissances sous ce même angle. C’est pourquoi, les exercices que Jo Boaler qualifient de fixes devraient être présentés occasionnellement au profit de situations de recherche qu’il serait possible de résoudre de différentes manières. Elle s’appuie notamment sur son expérience de l’enseignement des mathématiques aux États Unis, où une notion est expliquée puis appliquée dans une série d’exercices de ce type :

L’auteure préconise de privilégier une approche multidimensionnelle comme la résolution d’une opération telle que 50 divisé par 8. L’élève pourrait avoir la possibilité de :

  • dessiner son processus ;
  • poser l’opération ;
  • inverser l’opération et calculer : 8x? = 50 ;
  • trouver un énoncé de problème utilisant cette opération.

Cette méthode peut aussi s’appliquer à d’autres matières. L’idée est d’aborder une notion ou une question sous plusieurs angles, de plusieurs manières différentes.

Développer sa créativité et sa flexibilité pour optimiser son cerveau

La performance se mesure-t-elle à la rapidité ? Selon Jo Boaler, rien n’est moins vrai. Dans un article consacré aux découvertes des neurosciences dans le domaine des apprentissages, nous avions remarqué que le cerveau pouvait difficilement se consacrer pleinement à une tâche sur un temps limité. La pression temporelle crée un stress qui entrave la mémoire de travail, c’est-à-dire celle qui stocke momentanément les informations que nous traitons.

Jo Boaler nous propose de nous détacher de cet aspect de la performance pour nous concentrer sur la compréhension profonde et la créativité. Donner du sens à ce que nous apprenons est plus important que d’être rapide ou de tout mémoriser facilement.

En effet, lorsque le cerveau apprend quelque chose de nouveau, cette connaissance prend, littéralement, beaucoup de place. Si on n’apprend que sous forme de règles, le cerveau sera vite saturé. À l’inverse, si on apprend sous forme de concepts (ce qui ne peut se faire que dans la longueur), ces nouvelles connaissances seront non seulement « compressées » pour laisser la place mais également très facilement mobilisables. Donc essayons autant que possible de donner du sens et du temps aux apprentissages !

optimiser son cerveau par la flexibilité
Penser différemment et donner du sens aux apprentissages les renforce.

Se lier aux gens et aux idées pour renforcer l’apprentissage

Pour finir, l’auteure de Apprenez sans limites rappelle l’importance de la coopération. En effet, un professeur d’université a remarqué des différences de résultats entre deux groupes d’étudiants. En analysant leur situation, il a remarqué que la seule différence réelle entre ces personnes étaient que les étudiants qui avaient de bons résultats étudiaient en groupe, tandis que les autres travaillaient seuls.

Au Botswana un proverbe dit : « Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marchons ensemble ».

Cet adage illustre parfaitement le principe n°6 : interagir augmente nos capacités d’apprentissage, à condition de le faire en respectant 3 points :

  • ouvrir les esprits : apprendre à respecter la parole de l’autre ;
  • ouvrir les contenus : chaque membre du groupe participe ;
  • accepter l’incertitude : on n’a pas besoin de tout savoir pour participer à un travail de groupe.
optimiser son cerveau en travaillant en groupe
Travailler en groupe dans de bonnes conditions est un facteur de réussite.

Apprendre sans limites, cela ne veut pas donc dire apprendre n’importe quoi en un temps record. Cela signifie changer de mentalité et se sentir capable d’apprendre ce que l’on souhaite, sans se laisser décourager par les erreurs, avec créativité et en lien avec les autres.

  1. IMC : Indice de Masse Corporelle

Vous voulez aider votre enfant à mieux comprendre son cerveau ? C’est par ici :

Aider son ado à développer sa concentration

Cerveau et Apprentissages : 8 intuitions confirmées par la science

4 techniques pour mieux mémoriser ses cours 

Voici le lien vers le site crée par le neuropsychologue Stanislas Dehaene autour du cerveau et de l’école : https://moncerveaualecole.com/

À propos de l’auteur

Enseignante passionnée par les processus d'apprentissage et la méthodologie, je partage avec vous le fruit de mes recherches.
Pour qu'apprendre soit toujours un plaisir !

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